Imágenes de páginas
PDF
EPUB

philosophie aśsez réflechie, asfez calme, pour qu'elle vit fans effroi, et même fans une fortè d'indignation, l'abolition fubite et totale de la peine de mort.

Mais c'est, précisément, parce que les grands crimes font aujourd'hui dans nos focié tes, plus atroces, et plus múltipliés que jamais c'est parce que la peine de mort n'en diminue ni le nombre, ni l'atrocité; c'est parce que les criminels n'ont jamais marché au fupplice avec plus d'audace ou d'indifference qu'il faut s'occuper de fubftituer à la peine de mort, une peine plus efficace.

Ne nous le disfimulons pas; la deftruction abfolue de toute idée réligieufe dans la tête de presque tous les criminels, est la cause fi non unique, au moins principale de cette infolence, fi commune aujourd'hui, avec laquelle ils montent à l'echafaut, et qui fait ainfi des exécutions publiques, une infulte à la loi, et un outrage à la fociété. Et quelle autre cause pourrait-on lui asfigner? Que l'honnéte homme, victime d'un jugement inique, ou d'une infame profcription, marche à la mort, avec une fermeté noble et féreine, il en trouve la force dans la pureté de fon ame. Sa confcience est fon appui: -1ûr, et fier de fon innocence, il méprife l'ini

quité de fes juges, la tirannie de fes perfecir teurs, comme il brave le fer de leurs bourreaux, Mais, l'incendiaire, l'asfasfin, le parricide, peuvent-ils trouver un tel appui dans leur ame criminelle? Et n'est-il pas évident, au contraire, qu'étrangers à toute ideé de la Divinité, ils s'avancent à l'échafaut avec audace, parce qu'ils voyent dans le néant le feul moyen d'échapper à l'horreur qu'ils inspirent au reste des hommes, de mettre fin au malheur, aux agitations, à la terreur, qui, au défaut des remords dévorent leur exiftance, et qui font, heureusement les compagnes inféparables du crime; parce qu'enfin le néant où va les plonger une mort peu douloureuse, est pour eux le seul moyen d'étouffer les cris de leur confcience, le feul efpoir de tranquillité qui leur reste.

Ainfi donc, en ne confidérant abfolument que la punition du crime, la mort n'en est pas une pour cette clasie de criminels, aujourd'hui la plus nombreufe; tandis qu'une détention longue et rigoureuse ferait une peine dont ils fentiraient amèrement, et dont ils redouteraient la longue févérité.

Dans ce que je dis ici, fur les crimes, et fur les peines, je n'entends pas parler des crimes -politiques, ou d'État, qui, felon Beccaria lui

même, ont toujours été, et doivent être toujours} jugés d'après une jurisprudence particulière, et qui étrangers à l'état habituel de la fociété, le font ainfi à mon fujet. J'ai dit dans la première partie, que la mort des chefs d'une fédition, pouvait peut-être feule, brifer la trame des complots, et préserver l'État de leurs dangers. Mais cette peine, alors est, plutôt l'effet d'une confidération politique esfentielle à la tranquillité de la focièté, que d'une proportion bien méfurée entre le delit et fa punition. Car, ne croirait-on pas, par exemple, que la dilapidation des déniers publics, qui, après la fédition, est, fans doute, un des plus grands crimes politiques, et qui acquiert d'autant plus de gravité, que celui qui s'en rend coupable, est revetû d'une plus grande autorité, et d'une plus grande con fiance; ne croirait-on pas, dis je, que le crime ferait moins févèrement, moins exemplairement puni par la mort du dilapidateur, que fi les fruits de fes rapines confisqués, et convertis en une inftitution publique, particulièrement de bienfaifance, il etait lui-même condamné à une longue et dure détention, forcé à un travail manuel, et livré plufieurs fois annuellement, dans les prémiers tems de fon emprisonnement, aux regards du public, dont il aurait pillé la

fortune; accru les charges par fes exactions, et contribué par fon exemple à corrompre la moralité.

La certitude que la focièté n'a aucun danger redouter de la confervation des criminels jusqu'ici destinés au fupplice, est une première condition nécessaire, fans laquelle le législateur ne peut fe determiner à prononcer l'abolition de la peine de mort. L'espérance probable de leur amendement et de l'utilité dont ils peuvent devenir à la focièté, quoique condition moins indispenfable, en est une encor d'une importance esfentielle pour hater en lui cette determination.

L'accomplissement de ces deux conditions depend abfolument de la conduite des prifons, dans lesquelles ces criminels doivent être dé

tenus.

C'est donc l'esfai d'un régime de prifons capable de remplir ces deux conditions, qui doit être le premier pas vers l'abolition de la peine de mort.

C'est donc, ausfi, cet esfai feul, qui dans les circonftances actuelles peut être tenté en France; il peut l'être facilement, fans fecousfe, presque fans l'intervention nécesfaire de la legislature, il ne peut donc éprouver, ni contras

de

diction, ni obftacle. Ses fuccès entraineront P'opinion publique, ils donneront les moiens de tenter plus encor, et d'opèrer, enfin, la ré

forme défirée dans le code criminel.

Mais cet esfai lui-même, doit être fait avec précaution, avec prudence, avec tous les foins enfin, qui doivent promettre, que l'espérance que l'on a droit d'en attendre, fe réalifera.

On a vu, que même en Penfilvanie, malgré les circonstances favorables où fe trouvait cet État pour établir le nouveau fystême des prisons, il ne l'a pas été fans obftacles; que les fuccès en font dûs au zêle imperturbable des infpecteurs, à la vigilance exacte, conftante, et toujours furveillée du gardien et de fes fubalternes. Il n'est par douteux qu'il ne fe trouve en France, plus qu'en aucun pays du monde, des hommes dispofés à dévouer leur tems et leurs foins au foulagement, au perfectionnement de l'efpèce humaine, des hommes pour le coeur de qui l'amour du bien public, et celui de leurs femblables, est une religion. Mais, encor faut-il, qu'ils foient foutenus par l'espoir que leur dévouement opèrera le bien auquel ils font prêts à fe confacrer. Et, peut-être, l'évidence avec laquelle je vois les fuccès du régime

« AnteriorContinuar »